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Heath échevelé

Petit tour dans le Heath. Il y a le vent, le soleil, les nuages. Les gens les chiens. Le ronronnement de la ville en écho. Le skyline se découpe en ombres chinoises sur la lumière métallique du matin. Les rafales décoiffent les branches roussies et ma jupe vole au-dessus des flaques. Un dogsitter se prend pour Rocky, perché sur Parliament Hill. Le vent apporte les sirènes. L'herbe blanchit d'humidité. Je vais tourner le dos à cette effervescence, ces tornades froides qui frisent les flaques, le ciel bouché de cotons gris. Il fait plus froid. Un rayon transperce. Je suis soudain saisie par mon attachement sauvage "just in one glance" à cet endroit. C'est une relation sensuelle, charnelle, physique, narcissique, à tous ces éléments. Comme si j'appartenais à ce lieu du plus profond de ma mémoire. Le clocher de Highgate semble vouloir effilocher les nuages de son dard, mais ils continuent de rouler sans en prendre ombrage. L'herbe se couche en myriades de paillettes. Soudain, un rayon fort comme un jet de baguette - magique - mais qui s'éteint bien vite. Le vent froid qui s'immisce par tous les interstices : les crochets du béret, les lacets de l'écharpe. Dans mon dos le kung fu d'un homme au bonnet marine. Une joggeuse gravit le sommet, le visage lumignon, la crinière léonine, musique dans les ouïes. Un ronronnement d'avion me rappelle à la ville. Mais le grand vent dispute comme au bord de la mer... Passe d'ombres et de lumière sur les dos ronds du Heath. Le "pond" en contrebas : miroir étain du ciel parsemé de flocons mouettes... Des feuilles virevoltent dans l'air, s'en vont lécher les troncs dénudés en camaïeu d'automne. Je sens le froid de dos, suis une statue de sel.
Mon regard sur Londres en brumes imprécises
Il faut secouer mon corps avant que tétanise
Refouler ce désir de fondre en ces collines
Devenir le témoin muet de ces pas anonymes
Ainsi mieux embrasser la terre si câline
A mes yeux  
A mon coeur
A mon âme
Mais il n'est pas encore temps. Dieu merci ! Un jour, peut-être... En attendant, je préfère épouser de mes pas toutes les courbes du parc, cavaler sous les arbres légendaires, interroger les "ronds de sorcières". Penser à rejoindre Kenwood. Me perdre dans le "wood". Pour sentir battre le coeur du Heath, en pulsations synchrones. Mieux en goûter la sève, l'unique hémoglobine. Le souffle, l'écho, la voix des corbeaux.
Mes bottes bleues frétillent
Il est temps.



SandJo

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